Galerie

À Monaco, Lagerfeld renaît dans l’univers pop de Francesco Vezzoli

Par Élodie Antoine · Le Journal des Arts

Le 24 avril 2025 - 726 mots

L’artiste transforme la galerie Almine Rech en hommage insolite à Karl Lagerfeld dans un décor Memphis.

Monaco. Lorsqu’Almine Rech a proposé à Francesco Vezzoli, l’un des artistes phares de sa galerie, une exposition personnelle dans son antenne monégasque, c’est vers la figure iconoclaste de Karl Lagerfeld que l’artiste s’est tourné. L’exposition Newton Riviera à la Villa Sauber (2022) avait déjà démontré les liens entre le photographe de mode Helmut Newton et Monaco, où il s’installe en 1981. Karl Lagerfeld, styliste historique de la maison Chanel, y a également possédé un appartement dans les années 1980, puis une villa perchée sur les hauteurs de la principauté (1986-2000). L’appartement, dont quelques images d’archives demeurent, fut entièrement décoré de mobilier de style Memphis, un groupe créé en Italie en 1981 par Ettore Sottsass.

Pour cette exposition intitulée « Francesco Vezzoli presents KARL GOES TO MEMPHIS Tribute to a historic encounter in Monte Carlo » (*), la galerie a été transformée pour l’occasion en intérieur cosy, copie conforme de l’appartement qu’occupait Karl Lagerfeld à Monaco. La métamorphose est saisissante, comme en témoigne la foule nombreuse lors du vernissage, reflet de l’enthousiasme et de la pertinence de l’événement.

Les murs ont été entièrement peints en gris Wilmotte, le sol est recouvert de linoléum gris clair évoquant le marbre de l’appartement, et l’éclairage est tamisé. Le lieu est peuplé de ce fameux mobilier Memphis dont le styliste raffolait tant. On peut le comprendre tant cet univers est atypique et singulier. La magie Memphis réside dans le fait d’avoir allié des formes simples et géométriques à des couleurs primaires ou chatoyantes. Un langage sobre mais d’une grande efficacité.

Dès l’entrée, au rez-de-chaussée, le visiteur est accueilli par une desserte, sur laquelle les flûtes de champagne s’accumulaient le soir du vernissage. Dans la partie bureau, la bibliothèque a été recouverte de stickers aux motifs géométriques bleus et rouges et les étagères sont dotées de céramiques et de verreries. À l’entresol, le fameux Tawaraya Ring (voir ill.) de Masanori Umeda est composé de cordes élastiques colorées (orange, bleu, rose, vert) et d’une base en damier noir et blanc. Recouvert de tatamis, il laisse la place aussi bien au jeu qu’au repos. La bibliothèque Carlton Plastic Bois (voir ill.) d’Ettore Sottsass allie cubes, lignes horizontales et obliques. D’un usage sans doute peu pratique pour contenir de nombreux livres, elle n’en demeure pas moins une véritable œuvre d’art qui fut exposée au Centre Pompidou en 2021-2022 dans « Ettore Sottsass. L’objet magique ».

Dans le couloir qui conduit à l’étage, une petite armoire d’angle occupe avec pertinence cet espace jusqu’alors jamais exploité. Après les escaliers, c’est la chambre à coucher qui est dévoilée : lit, table de chevet, bureau.

Les œuvres de Francesco Vezzoli occupent les murs de la galerie. Jeu de miroir dans le miroir, Karl goes to Memphis (Be gentle with me, 2025) confronte deux portraits du styliste à deux moments distincts de sa vie. De ces portraits de Lagerfeld, imprimés sur papier ou sur toile, s’écoulent des larmes brodées ou peintes. Une profonde mélancolie se dégage de ce jeu de miroir, dont les cadres dorés et baroques amplifient la dimension quasi tragique. L’exposition rappelle volontiers, dans des proportions plus modestes, l’hommage d’Hugo Rondinone à John Giorno qui s’est tenu au Palais de Tokyo en 2015 (« Hugo Rondinone : I love John Giorno »).

Lorsqu’ on observe les prix, une remarque s’impose d’elle-même. Le mobilier Memphis, même réédité, apparaît beaucoup plus abordable que les œuvres de l’artiste italien. Il faut compter entre 45 000 € et 60 000 € pour les œuvres de petit format (31 x 23 cm) et entre 90 000 € et 120 000 € pour les plus grandes (196 x 120 cm). Alors que pour une pièce historique des années 1980, présente dans les collections des plus grands musées internationaux – le lit ou le ring, par exemple –, les prix varient de 21 000 € à 42 000 €. Et pour s’offrir une céramique ou une verrerie, 4 000 € à 6 000 € suffisent.

Francesco Vezzoli presents KARL GOES TO MEMPHIS Tribute to a historic encounter in Monte Carlo (*)
jusqu’au 24 mai, Almine Rech, 20, avenue de la Costa, Monaco.
Erratum - Lundi 28 avril 2025

(*) Contrairement à ce qui a été publié dans le JdA n°654, le titre de l'exposition est « Francesco Vezzoli presents KARL GOES TO MEMPHIS Tribute to a historic encounter in Monte Carlo » et non « Francesco Loves Kar »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°654 du 25 avril 2025, avec le titre suivant : À Monaco, Lagerfeld renaît dans l’univers pop de Francesco Vezzoli

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