Art ancien

GALERIE

Chez Hauser & Wirth, Rita Ackermann en majesté tout l’été

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 19 juin 2025 - 521 mots

À l’occasion de sa première exposition dans la galerie à Paris, l’artiste explore le thème des « Doubles ».

Paris. Le travail de Rita Ackermann (57 ans) a bénéficié d’un effet de médiatisation dans les années 1990, alors qu’ayant quitté sa Hongrie natale, elle commençait sa carrière à New York en se mêlant aux figures de la scène musicale et de la nuit. Peuplé de personnages féminins nubiles, entre fées clochette et pin-up, sa production comprend alors des peintures, des dessins, des tee-shirts, une ligne de sous-vêtements et la conception de skateboards.

En 2014, alors que ses grandes peintures à la craie sont montrées à Art Unlimited, à Art Basel, elle semble s’engager dans une nouvelle recherche picturale, à la lisière de l’abstraction et de la figuration. Les tableaux de grand format présentés actuellement à la galerie témoignent des étapes successives de dessins et de recouvrements, de la patiente imprégnation des toiles, que l’artiste travaille à même le sol, appliquant le pigment au pinceau ou à la paume de la main, traçant, effaçant, densifiant les masses chromatiques. Les silhouettes stylisées de jeunes filles – incarnant de façon ambivalente l’innocence et son dévoiement – reviennent toujours dans ses compositions, motif tantôt évident, tantôt enfoui sous plusieurs strates, comme si leur auteur luttait avec son penchant pour la figuration.

Rita Ackermann revendique désormais une filiation avec l’histoire du modernisme ; son usage de la couleur peut ainsi faire penser à Willem de Kooning, tandis que la façon dont son trait paraît raturer la surface évoque Cy Twombly. La peintre a d’ailleurs exposé l’été dernier dans l’ancienne demeure de Twombly à Bassano (Italie). « J’avais environ 22 ans lorsque j’ai réalisé mes premières œuvres influencées par Cy en tant qu’étudiant », explique-t-elle. Mais à la différence de ceux de son aîné, les tableaux de Rita Ackermann sont dépourvus de mots, ils s’expriment en silence et contiennent, on croit le deviner dans la gestuelle qui affleure, une certaine colère.

Elle a intégré en 2012 la galerie Hauser & Wirth, qui ces cinq dernières années lui a dédié quasiment une exposition par an, dans ses succursales de New York, Zurich, Monaco et Los Angeles. Ce premier solo dans l’espace parisien de sa galerie, elle souhaite, le soir du vernissage, que ce soit l’un de « ses meilleurs ». Citant le cinéma de Godard (Vivre sa vie, 1962) et L’esthétique de la disparition de Paul Virilio, elle a conçu spécifiquement pour Paris une série sur le thème des « Doubles », qui fait écho à sa propre dualité – entre éducation communiste et culture pop – et à son intérêt pour les images d’images (prix entre 25 000 et 500 000 €). C’est l’occasion de regarder de près ses œuvres, que l’on a peu vues jusqu’ici en France, où elles sont absentes des collections publiques. La galerie Hauser & Wirth entend s’employer à pallier ce manque de représentation institutionnelle. Le travail de Rita Ackermann figure d’ailleurs dans l’exposition « Copistes » au Centre Pompidou-Metz (en collaboration avec le Musée du Louvre, jusqu’au 2 février 2025), où elle propose sa version d’un tableau de Jean-François Millet consacré aux travaux des champs, dans une interprétation attestant de sa virtuosité.

Rita Ackermann, Doubles,
jusqu’au 4 octobre, Hauser & Wirth, 26 bis, rue François-Ier, 75008 Paris.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°658 du 20 juin 2025, avec le titre suivant : Chez Hauser & Wirth, Rita Ackermann en majesté tout l’été

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque

OSZAR »