Le site, dans le Morvan qui fête ses 30 ans, fait aussi du mont Beuvray un laboratoire forestier face aux effets du changement climatique.
Bourgogne-Franche-Comté. Comme tous les étés, Bibracte va devenir un immense chantier archéologique : six fouilles, des contreforts de l’oppidum gaulois jusqu’à son sommet, menées par des équipes universitaires, mais aussi des jeunes de 16, 17 ans, rythmeront la saison. « C’est un vrai centre de formation, explique Andrea Fochesato, responsable des programmes archéologiques au sein de l’établissement public de coopération culturelle (EPC) de Bibracte. Ici, on peut apprendre à fouiller du gaulois, ou du romain, ce qui n’est pas du tout la même chose. Même un prof de protohistoire peut enseigner la fouille. »
En trois décennies, l’oppidum perché au sommet du mont Beuvray est devenu la référence européenne de l’archéologie gauloise et la « civilisation des oppida ». Au sud du massif du Morvan, partagé entre la Nièvre et la Saône-et-Loire, Bibracte est parvenu à attirer les plus grands spécialistes sur son site, son musée, et son centre de recherche européen distant de quelques kilomètres. Dans les années 1980, le site, qui n’était plus fouillé depuis 1914, profite d’une résurgence de l’intérêt pour l’âge de fer, et de l’arrivée d’un Nivernais à la présidence de la République. Trente ans plus tard, l’équipement défendu par François Mitterrand a trouvé sa place, avec 50 000 visiteurs annuels et un statut de centre névralgique de la recherche sur l’âge de fer.
Grâce à son sponsor présidentiel, l’EPCC bénéficie d’une subvention de l’État exceptionnelle depuis son inauguration en 1995, qui correspond à une bonne moitié des 5,5 millions d’euros du budget de fonctionnement. L’établissement peut investir régulièrement : construction d’abris de fouilles en 2008, muséographie renouvelée en 2013, et pour son trentième anniversaire, une nouvelle salle d’exposition temporaire construite en sous-sol pour le musée. Un espace de 250 m², aux normes des conditions climatiques, équipé d’un système de mobilier muséographique réutilisable, qui permet de développer une programmation de deux expositions par an.
Tout semble aller pour le mieux, dans ce pôle scientifique et culturel d’ampleur européenne, niché au cœur d’un territoire rural. Mais au sommet de l’oppidum, les défis futurs se profilent pour le site : à deux pas du plus beau point de vue du mont Beuvray, une hêtraie en souffrance voit ses arbres dépérir peu à peu, frappés par le dérèglement climatique. Un impact paysager qui ne sera pas sans conséquence pour la fréquentation du site : « Le public de Bibracte n’est pas forcément celui des musées, nous sommes une destination “tourisme vert”», rappelle Vincent Guichard qui dirige l’EPCC depuis 2008.
Depuis son arrivée, l’archéologue lance programmes de recherche et collaborations scientifiques dans lesquels Bibracte est pilote, portant sur la gestion des données archéologiques ou la médiation numérique. L’établissement cible ainsi les financements européens ou ceux du plan France 2030 pour faire perdurer son activité scientifique dans le domaine archéologique.
Mais lorsque l’on s’attable au pied du centre de recherche avec Vincent Guichard, ce n’est pas sur les Éduens et leur oppidum ostentatoire que porte la conversation, mais plutôt sur l’agroforesterie intensive et les méfaits de la politique agricole commune (PAC) sur le paysage du Morvan.
Car depuis 2008, le site archéologique est au cœur du Grand Site de France « Bibracte-Morvan des sommets ». « Un label très exigeant, souligne le directeur, autant que la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, avec une attribution remise en jeu tous les six ans. » Avec cette ambition de préserver et gérer un patrimoine naturel et agricole de 42 000 hectares, l’action de l’EPCC dépasse largement le champ archéologique.« Nos dotations n’ont pas évolué en quinze ans, le financement du patrimoine est de plus en plus difficile à justifier, contextualise Vincent Guichard, s’inscrire dans cette démarche ça a été le moyen de justifier que l’on intervienne sur le site. Comme il n’y a pas d’argent, on va le chercher. »
Là aussi, l’EPCC s’engage sur des projets d’actualité, susceptibles d’attirer les financements européens : sur les quatre dernières années, Bibracte a multiplié les projets de recherches transdisciplinaires, sur la gestion de l’eau, sur l’agriculture durable ou le tourisme durable. Le plus ambitieux est certainement le partenariat avec AgroParisTech, qui transforme le mont Beuvray en un laboratoire forestier. Le but : trouver un modèle de gestion pour les forêts subissant le réchauffement climatique et l’exploitation intensive… tout en assurant quelques ressources propres à l’établissement, dont les premières recettes viennent du bois.
« Notre objectif serait de mettre en place un réseau européen des observatoires de zones protégées, on utilise Beuvray comme un lieu d’expérimentation et de dialogue, en testant des dispositifs de concertation avec les acteurs du territoire », explique Vincent Guichard. Bibracte veut ainsi s’inscrire dans la Convention de Faro (non ratifiée par la France) qui promeut le patrimoine comme un outil de développement durable pour les communautés locales.
De l’âge de fer au patrimoine du XXe siècle
un pôle attractif. Le lieu attire pour son patrimoine archéologique et les paysages naturels du Morvan. Mais Bibracte a aussi le potentiel d’une destination pour amateurs d’architectures contemporaines. Le musée, le centre de recherche, comme les logements destinés aux chercheurs de passage constituent la première grande commande publique de Pierre-Louis Faloci, qui lui apportera l’« Équerre d’argent » en 1996. L’ensemble architectural est le sujet du premier parcours présenté dans les nouveaux espaces d’expositions temporaires, et a décroché le label « Architecture contemporaine remarquable » : intégration paysagère, stratigraphie des matériaux en façade rappelant celle de l’archéologie, jeu sur les cadrages et les perspectives marquent les qualités de cette architecture. Toutes les interventions suivantes ont également été réalisées par Faloci, dont la refonte de la scénographie permanente : légère et impalpable au premier niveau, puis plongeant le visiteur dans un espace sombre et structuré au rez-de-chaussée. Sur le site archéologique, la balade architecturale se poursuit avec les abris de fouilles conçus par Paul Andreu, architecte du terminal de Roissy-Charles de Gaulle.
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Bibracte, plus qu’un site archéologique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°658 du 20 juin 2025, avec le titre suivant : Bibracte, plus qu’un site archéologique