DCA (centres d’art) et Platform (Frac) publient une tribune commune en réponse à l’éditorial du rédacteur en chef du JDA.

À la lecture de l’éditorial de Jean-Christophe Castelain « L’avenir commun des Frac et centres d’art », une équation paraît sous-entendue : à un monde de l’art morcelé, il faudrait répondre par une structure unifiée. Comme si deux associations représentatives - Platform pour les Frac, DCA pour les centres d’art contemporain - ne formaient qu’un doublon administratif, et non deux expressions d’une vitalité plurielle. Mais vouloir fusionner ces deux entités au nom de la lisibilité ou de l’efficacité, c’est céder à une vision réductrice. Ce type de raisonnement calculateur n’a jamais eu de vertus pour le vivant. Il réduit les nuances à des colonnes et les spécificités à des lignes de budget.
Ce raisonnement s’appuie sur la notion de « masse critique » convoquée comme s’il s’agissait d’une évidence stratégique. Mais que recouvre-t-elle exactement ? Présentée comme une force de frappe ou de représentation, elle relève surtout d’un imaginaire hérité des logiques économiques, où la concentration vaut gage de légitimité. Nous ne sommes pas naïfs : nous savons que les exigences de visibilité et d’adaptation aux mutations contemporaines sont réelles, et nous y travaillons sans relâche. Mais nous pensons que l’écosystème des arts visuels ne peut ni ne doit se plier exclusivement à ces logiques de performance et de rationalisation. Le modèle culturel français, fondé sur la diversité des structures, la présence sur les territoires et une certaine idée de l’intérêt général, mérite non seulement d’être défendu, mais activement réaffirmé.
Le monde de l’art ne souffre pas de sa diversité, il en vit. Il ne demande pas à être rationalisé, mais soutenu dans ses ramifications, ses tensions fécondes, ses rythmes différenciés. Comme tout écosystème, il se renforce par l’hétérogénéité, la coexistence des formes et des points de vue. Cette pluralité est déjà à l’œuvre. Chaque jour, Frac et centres d’art tissent des liens multiples avec des établissements scolaires, des EHPAD, des centres pénitentiaires, des associations locales. Ils ancrent l’art dans le tissu concret des territoires, lui donnent une portée située, partagée, vivante. Rien n’est cloisonné : tout circule, se transmet, se construit avec d’autres, à l'image des quatre millions de visiteuses et de visiteurs qui ont poussé la porte d'un Frac et d’un centre d’art en 2023. L’addition de ces gestes, si divers soient-ils, dessine un paysage cohérent - précisément parce qu’il ne cherche pas l’uniformité.
Faut-il pour autant refuser toute volonté commune ? Non. Mais l’unité n’a de sens que si elle respecte les singularités. L’idée qu’un seul organe de représentation pourrait incarner cette richesse relève d’une illusion technocratique. Il y a, dans cette tentation de fusion, une réponse froide à des réalités sensibles. L’art ne gagne rien à être administré comme un dispositif d’optimisation. Ce qui met des années à pousser ne supporte ni coupes brutales, ni redécoupages arbitraires. Ce qui se détruit en un instant met du temps à refleurir. À force de vouloir simplifier la carte, on finit toujours par perdre le territoire.
Certaines propositions soulevées dans cet éditorial font écho à des actions communes auxquelles nos réseaux travaillent déjà. Celles-ci ne visent pas à homogénéiser mais à faire résonner ensemble cette diversité qui est notre richesse. Une démarche partagée qui témoigne que l’art contemporain est tout sauf fermé, qu'il est inventif, généreux, curieux, souvent drôle, en prise avec les bouleversements de notre monde. Ce qu’il nous faut, ce n’est donc pas moins de voix, mais plus d’écoute.
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DCA - Association française de développement des centres d’art contemporain
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La force d’un écosystème réside dans sa diversité
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