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COMPLEXE CULTUREL

À Romainville, rien ne va plus

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 23 mai 2025 - 747 mots

ROMAINVILLE

Deux des quatre galeries installées en 2019 à Romainville sous la bannière Komunuma quittent le quartier culturel piloté par la Fondation d’entreprise Fiminco.

Le site de Komunuma à Romainville. © Martin Argyroglo / Fondation Fiminco
Le site de Komunuma à Romainville.
© Martin Argyroglo / Fondation Fiminco

Romainville (Seine-Saint-Denis). En 2019, la Fondation Fiminco, émanation du groupe éponyme spécialiste de l’immobilier, annonçait la construction d’un nouveau pôle culturel sur 46 000 m2 aux portes de Paris. Un projet hors normes, dont le premier volet était inauguré en octobre de la même année, regroupant outre une « résidence internationale d’artistes », des espaces d’exposition et quatre galeries parisiennes. Air de Paris, galerie Jocelyn Wolff, galerie Sator et In Situ - Fabienne Leclerc osaient le pari d’une installation en proche banlieue dans un quartier populaire avec en perspective l’ouverture en 2020 du nouveau bâtiment des réserves actives du Fonds régional d’art contemporain Île-de-France (Frac Île-de-France).

Six ans plus tard, sur les quatre galeries d’origine, deux viennent d’annoncer leur déménagement imminent. Jocelyn Wolff, qui avait fermé son local de Belleville, a en vue pour la rentrée un espace central rive droite « dans un ancien Franprix ». Comme son voisin Vincent Sator, il organise une ultime exposition cet été avant de quitter les lieux. « Nous sommes tristes de savoir qu’ils partent », avoue Florence Bonnefous, la co-fondatrice d’Air de Paris.

Il s’agit en fait de l’épilogue d’une histoire qui a commencé dès l’installation des enseignes sur le site. Celles-ci ont en effet constaté différentes contrefaçons, des problèmes d’étanchéité pour les unes, de chauffage pour les autres, l’absence d’un accès Internet à haut débit, le défaut de signalétique, etc. Le tout, sur fond de chantier permanent… au point que la galerie Imane Farès, déjà bien engagée, s’est retirée du projet à la dernière minute.

Ses consœurs et confrères ont tenté pour leur part de trouver une solution à l’amiable. Mais le dialogue semble n’avoir jamais été simple avec le bailleur, le groupe Fiminco. Au point que les quatre galeries sont allées au procès. Fabienne Leclerc a obtenu gain de cause. Air de Paris a préféré se retirer de cette action en justice et négocier un statu quo. Vincent Sator, qui ne renouvelle pas son bail, a jeté l’éponge. Jocelyn Wolff, au terme d’un contrat de six ans, se voit contraint de quitter les lieux.

En obligeant chacun à adopter des stratégies individuelles, ces difficultés maladroitement gérées par le propriétaire ont quelque peu entamé la solidarité initiale de ses locataires, qui s’étaient investis dans un projet collectif, baptisé « Komunuma » pour en souligner l’esprit de communauté (lequel se traduisait notamment par un calendrier de vernissages synchronisés).

Un galeriste s’est manifesté pour reprendre le local que Vincent Sator va libérer, mais il attend en vain une réponse du bailleur, dont le silence le laisse dans l’expectative. La Fondation Fiminco affirme de son côté avoir déjà trouvé un repreneur. On ignore s’il est question du même. Le dialogue semble décidément peu fluide entre les différents interlocuteurs.

Avec une superficie de 120 m2, la galerie Sator ne sera sans doute pas la plus compliquée à relouer. Mais quelle enseigne a les reins assez solides et suffisamment d’audace pour reprendre le local de Jocelyn Wolff, 900 m2 sur quatre niveaux ? Plusieurs hypothèses semblent à l’étude. Diviser l’espace en quelques lots pour les louer à plusieurs petites galeries. Ou bien signer avec un acteur culturel autre.

Les galeries « historiques » ayant fait le choix de rester, Air de Paris et In Situ - Fabienne Leclerc mais aussi 22,48 m2 (qui les a rejointes en 2023 et dispose d’un espace en retrait dépourvu de vitrine sur la cour), n’ont pas leur mot à dire sur le choix du futur occupant et se disent un peu inquiètes. « Le métier de galeriste est de toute façon un parcours d’obstacle, nous n’allons pas baisser les bras mais continuer », assure Rosalio Caltabiano de 22,48 m2. « Nous allons inventer des façons d’exister, c’est certain, affirme Florence Bonnefous. Cet été, Air de Paris s’installe pour un mois hors-les-murs à Monaco. » Loin de Romainville… où Fiminco assure pour l’heure poursuivre triomphalement son programme.

« L’extension du quartier FAST (Fiminco Art Studio) est en voie d’achèvement, assure Katharina Scriba, la directrice de la fondation. Ce site unique en Europe va croître de 11 000 mà 120 000 m2 dont 50 000 m2 dédiés à la culture, et près de 5 000 nouveaux habitants. Le quartier va s’ouvrir massivement aux arts du spectacle (…) et la résidence d’artistes, qui va passer de 20 à 175 studios, s’élargit à toutes les formes d’art. » Une vision qui s’inscrit dans le temps long : ce n’est pas forcément celui d’une galerie.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°656 du 23 mai 2025, avec le titre suivant : À Romainville, rien ne va plus

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