Deux juges fédéraux viennent de rendre des décisions en apparence contradictoires. Le sort de l’IMLS va cependant se jouer au Congrès.

Depuis sa création en 1996, l’Institute of Museum and Library Services (IMLS) joue un rôle central dans le paysage culturel américain. En finançant musées régionaux, bibliothèques publiques, programmes de numérisation ou dispositifs éducatifs dans les zones rurales, cette agence fédérale incarne l’un des derniers leviers d’action directe de l’État fédéral dans le domaine de la culture. C’est précisément cette position que l’administration Trump tente de remettre en cause depuis janvier 2025, en ordonnant son démantèlement par décret présidentiel.
En mars dernier, un décret de la Maison Blanche a ordonné la suppression de l’IMLS, au motif que ses missions ne relèveraient pas de la compétence de l’État fédéral et pourraient être assurées par le secteur privé. La décision a aussitôt déclenché une levée de boucliers : vingt et un États, rejoints par des syndicats et des associations d’usagers, ont déposé un recours devant le tribunal fédéral de Rhode Island.
Le 5 juin 2025, ce tribunal, présidé par le juge John J. McConnell, a confirmé une première décision rendue en avril : cette mesure provisoire interdit à l’administration fédérale de mettre en œuvre le décret de suppression. Le juge a rappelé que seul le Congrès, et non l’Exécutif, peut créer ou supprimer une agence fédérale. Il a également estimé que les plaignants risquaient un préjudice irréparable en cas de fermeture de l’IMLS, et que le gouvernement n’avait pas apporté la preuve d’un intérêt public supérieur justifiant une telle suppression.
Cette décision constitue une victoire pour l’agence et ses soutiens. Elle confirme que le décret présidentiel est juridiquement contestable, notamment au regard de la séparation des pouvoirs. Elle protège l’existence institutionnelle de l’IMLS dans l’attente du jugement sur le fond. En théorie, tant que cette injonction reste en vigueur, l’agence ne peut être dissoute ni fusionnée.
Cependant, quelques jours avant cette confirmation, une autre décision a été rendue dans un dossier distinct, portant également sur le sort de l’IMLS. Dans l’affaire ALA v. Sonderling, instruite à Washington (district de Columbia), plusieurs bénéficiaires des programmes de l’IMLS – dont l’American Library Association – avaient demandé une injonction pour bloquer la suspension de leurs subventions, la mise en congé de certains agents de l’agence, et l’annulation de contrats en cours.
Le juge Richard Leon a rejeté cette demande, non pas en contestant la gravité de la situation, mais en déclarant sa cour incompétente. Selon lui, ce type de litige relève de la Court of Federal Claims (cour fédérale des réclamations), une juridiction spécialisée dans les contentieux contractuels opposant l’État fédéral à des tiers. Il n’a donc pas examiné le fond du dossier, mais a décliné la compétence de sa cour.
Ces deux décisions peuvent sembler contradictoire : comment l’une protège-t-elle l’IMLS, tandis que l’autre permet à l’administration d’agir contre ses bénéficiaires ? En réalité, ces décisions répondent à des logiques distinctes et ne portent pas sur les mêmes enjeux.
L’injonction maintenue à Rhode Island protège l’IMLS en tant qu’agence fédérale : elle interdit à l’administration de la supprimer ou de fusionner ses structures. En revanche, la décision du district de Columbia concerne des effets secondaires : suspension de programmes, résiliations de contrats, blocage de subventions. Ce sont là des actes administratifs que l’Exécutif peut donc encore décider, tant qu’ils ne violent pas directement la mesure provisoire de Rhode Island.
La fragilité de la situation de l’IMLS réside donc dans cette dissociation : si l’agence ne peut être officiellement dissoute, elle peut néanmoins être asphyxiée de l’intérieur par l’arrêt de ses programmes et le retrait de ses ressources humaines. Cette tactique de démantèlement sans suppression formelle permet à la Maison Blanche de contourner partiellement la contrainte judiciaire, en affaiblissant l’agence à défaut de l’abolir.
Le combat autour de l’IMLS ne se joue toutefois pas seulement dans les prétoires. Le Museum and Library Services Act (MLSA), la loi qui fonde juridiquement l’agence, arrive à échéance le 30 septembre 2025. Si le Congrès ne renouvelle pas cette législation, l’agence perdra toute base légale d’existence, quelles que soient les décisions de justice. Par ailleurs, le budget 2026 transmis par la Maison Blanche prévoit seulement 6 millions de dollars pour l’IMLS, contre 294 millions en 2024 – une somme symbolique, destinée à organiser la fermeture de l’agence.
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Un sursis fragile pour l’agence américaine pour les musées et bibliothèques
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