La Fondation lance un « Nouveau Programme » en remplacement du prix qu’elle décernait depuis vingt-cinq ans, toujours en soutien aux artistes émergents.
France. En annonçant un « Nouveau Programme » effectif dès la rentrée, la Fondation Pernod Ricard a mis fin au prix qu’elle décernait chaque année depuis 1999, qui ouvrait à l’acquisition d’une œuvre par le Centre Pompidou. L’heureux élu était également accompagné pour un projet à l’étranger. Si la fondation d’entreprise du groupe de vins et spiritueux a été la première en France à créer un prix de soutien à la création, un an avant le prix Marcel Duchamp initié par l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (Adiaf), elle relève que depuis « l’écosystème de l’art contemporain a changé, souligne Antonia Scintilla (voir ill.), sa directrice, qui a succédé début 2023 à Colette Barbier. La loi Aillagon notamment a encouragé la création de nombreuses fondations ». Tandis que les prix se sont également multipliés au cours de la dernière décennie – un guide leur a même été dédié, publié aux éditions ëmisphères –, le prix Pernod Ricard est la deuxième récompense de référence à disparaître du paysage : l’an dernier, sur fond de crise immobilière, la fondation Emerige, émanation du promoteur éponyme, a mis un terme à sa Bourse Révélations qu’elle avait lancée en 2014.
Le rejet par les artistes de la mise en concurrence a joué un rôle dans la volonté de la fondation parisienne de faire évoluer son dispositif. Médiatisé par le Turner Prize remis collectivement en 2019, puis par le prix de la Nationalgalerie - Staatliche Museen attribué à quatre artistes en 2024, ce refus de la compétition s’était déjà traduit l’an dernier par la remise du prix Pernod Ricard à l’ensemble de ses sept nominés. « Pour cela, nous avions dû modifier le règlement et prévenir nos partenaires, notamment le Centre Pompidou qui a accepté une donation des œuvres de chacun des artistes », explique Antonia Scintilla. Cela n’a donc pas été sans difficultés. Ni sans conséquences ? « Quand on le remet collectivement, on touche aux fondamentaux d’un prix, il y a un risque de le saborder », observe Claude Bonnin, président de l’Adiaf, dont il assure qu’elle « prend en considération les quatre artistes nominés » à travers l’exposition qui leur est consacrée (depuis 2016 au Centre Pompidou et à partir de cet automne au Musée d’art moderne de la Ville de Paris), et avec ses programmes de résidence en partenariat avec la Villa Albertine et la Manufacture de Sèvres, ainsi que la tenue d’expositions collectives à l’étranger.
Alors que les artistes sont soumis à une forte concurrence pour percer et voir leur travail reconnu, est-il nécessaire d’en créer davantage avec ce système de podiums ? La question ne se pose pourtant pas pour les secteurs du cinéma et de la littérature, tous deux friands de cérémonies, de festivals et de distinctions. Il en va autrement dans le monde de l’art contemporain. « Je n’aime pas l’idée de compétition », confiait ainsi Guillaume Désanges, nommé en octobre 2021 directeur artistique du 66e Salon de Montrouge. Le président du palais de Tokyo avait envisagé de remettre en question l’attribution du prix de ce rendez-vous de l’art contemporain.
À la rentrée, la Fondation Ricard expérimente en tout cas un format différent avec son Nouveau Programme. Le dispositif consiste à faire appel à un commissaire invité – cette année, Liberty Adrien (voir ill.), co-directrice du centre Portikus à Francfort et curatrice au KW à Berlin – pour choisir trois artistes émergents de la scène française réunis au sein de ses espaces, le temps d’une exposition thématique. Intitulée cette année Sorry Sun, celle-ci mettra en avant dès septembre les œuvres de Saodat Ismailova, Alexandre Khondji et Hélène Yamba-Guimbi, des artistes aux trajectoires distinctes, de générations différentes, mais ayant en commun leur manque de visibilité dans l’Hexagone. Chacun sera ensuite accompagné dans la réalisation d’un projet (production, exposition ou résidence) en partenariat avec des institutions en France ou à l’étranger, et bénéficiera d’une dotation complète de 18 000 euros, couvrant aussi ses frais d’honoraires et ses droits d’exposition. L’accompagnement critique et institutionnel reste le maître mot de ce programme, toujours en partenariat avec le Centre Pompidou dans la continuité du prix initial. Mais c’est bien un nouveau chapitre qui s’ouvre pour la Fondation Pernod Ricard, affirmant aussi la vision de sa nouvelle direction.
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La Fondation Pernod Ricard met fin à son prix
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°658 du 20 juin 2025, avec le titre suivant : La Fondation Pernod Ricard met fin à son prix